« L’âme bien trempée des Basques se révèle dans l’adversité » Telle aurait pu être la devise de Jacques DAMESTOY
Raconter l’histoire de Jacques DAMESTOY, chocolatier, c’est se reporter dans la 2ième moitié du XIX Siècle époque, à laquelle débute notre histoire.
Jacques DAMESTOY naît à URCUIT le 30 octobre 1865. Il se marie le 5 février 1891 à Mouguerre avec Dominica ETCHEPARE. Ils auront quatre enfants. Son avenir est tout tracé, il sera agriculture comme son père.
Le destin en décide autrement. Adolescent, il est frappé par la fièvre typhoïde dont il réchappe difficilement.
A la suite de cette rude épreuve, son père estime que Jacques ne pourra supporter les travaux de la terre. Sur les conseils paternels, il s’en va chercher à Bayonne, un emploi stable, compatible avec son état de santé. Il entre en 1880 à la chocolaterie BIRABEN « La Maison des Rois » en qualité d’apprenti, au bas de l’échelle. Dès les premiers jours, Jacques est fermement décidé à réussir dans le métier. Quand il a acquis un bonne compétence, il envisage d’acquérir le matériel indispensable et de s’installer à son compte, ce qui exige une certaine mise de fonds.
Dans ce but, Jacques que son père appelle « Cadet », cherche un emploi complémentaire à la Régie Municipale, il devient « allumeur de réverbères ».
Les gens d’un certain âge, se souviennent de ce petit métier maintenant disparu (que nous qualifions aujourd’hui de pittoresque). Le métier consistait à assurer une tournée, avant la tombée de la nuit pour allumer les becs de gaz des réverbères, seuls luminaires publics à l’époque. Chargé d’un encombrant matériel, le préposé circulait sur un itinéraire précis, d’un réverbère à l’autre. A l’aide d’une longue perche munie sur une face d’un crochet, sur l’autre d’une petite flamme, il fallait, passant par le dessous de la lanterne, manoeuvrer le robinet d’arrivée du gaz et du même geste enflammer le gaz. Travail simple, aisé en apparence seulement car le bec était coiffé d’un manchon fragile. L ‘échelle, portée sur l’épaule, permettait d’aller replacer ou remplacer le manchon, remédier à tout défaut d’allumage, nettoyer les vitres, « briquer » le réflecteur de métal poli.
C’est à l’angle de la rue Lormand et de la rue Port-Neuf, en haut de l’échelle, que le destin attendait notre « Cadet ». Sous le poids, le scellement de la potence vient à céder et c’est la chute qui laisse notre ouvrier au sol, sans connaissance, sur le pas de la porte du magasin de Madame Veuve CAZENAVE, qui tient boutique de chocolaterie. Il est aussitôt porté dans le magasin de Madame CAZENAVE, qui, compatissante, fit quérir Place Saint- André, un paysan et son attelage pour le ramener à Urcuit. Chaque jour, les paysans étaient nombreux à se retrouver sur cette place, après avoir livré le bois de chauffage nécessaire aux foyers Bayonnais.
Le « mourant » dans le coma fut installé sur le plancher garni de paille d’une charrette tirée par 2 vaches. Bien entendu, les commentaires allaient bon train dans la rue Port-Neuf.
En plus d’être charitable, Madame CAZENAVE ne manquait de sens pratique. Elle savait Jacques DAMESTOY vaillant, courageux et de plus excellent ouvrier chocolatier. Elle promit, s’il s’en sortait, de lui offrir, chez elle, un emploi, rémunéré au double du salaire versé par la « Maison des Rois ». La nuit passée, au petit matin, quelle ne fut pas la surprise de Madame CAZENAVE de voir, attendant l’ouverture du magasin, notre blessé, garçon d’une politesse innée, venu remercier sa bienfaitrice. Celle-ci tint parole et engage immédiatement le jeune ouvrier aux conditions pécuniaires avancées la veille.
Dans l’entreprise CAZENAVE le jeune Cadet gagne l’estime de ses patrons et devient rapidement chef de fabrication. La compétence acquise incite l’ouvrier à devenir patron à son tour.
Il crée un atelier rue Gardère, petite venelle entre les rues Lormand et Orbe, dans un local ouvrant également sur la rue Victor Hugo où il ouvre boutique.
Le labeur commençait à 5 heures du matin et durait parfois jusqu’à minuit et rapidement le voisinage se plaignit du bruit des machines.
Jacques DAMESTOY décide alors de s’installer dans un quartier où il ne gênerait personne. Son choix se porte sur le quartier (à l’époque) champêtre de Lachepaillet, aujourd’hui quartier des Arènes où il réalise son projet.
Il fait construire une usine, un bâtiment pour la chocolaterie, un pour la confiserie et un entrepôt-grilloir pour le cacao, à cela s’ajoutaient les logements des ouvriers et de la famille.
Il apporte à l’installation du grilloir des soins tout particuliers car il sait que la parfaite réussite d’un bon chocolat dépend de la conservation et de la torréfaction des fèves de cacao.
Il rappelait toujours qu’il ne fallait pas lésiner sur la qualité de la matière première. La vente se poursuit, bien entendu toujours rue Victor Hugo, mais également dans un nouveau magasin, ouvert au n° 31 de cette même rue très commerçante.
L’entreprise se développe, la production augmente.
Jacques DAMESTOY ouvre des magasins de vente pour chacune de ses trois filles, toutes trois formées à la fabrication et à la gestion. En 1914, s’ouvre à SAINT JEAN DE LUZ, rue Gambetta, le magasin confié à l’aînée Catherine, devenue Madame PARIES qui associe son mari à la belle réussite que l’on connaît.
En 1919, à la fin de la guerre, Jacques réalise un projet longtemps caressé : s’implanter à BIARRITZ. Louise, sa deuxième fille s’y installe avenue Victor Hugo.
Enfin en 1933, sa troisième fille, Marie, construit un immeuble à SAINT JEAN DE LUZ Boulevard Victor Hugo et ouvre un magasin à l’enseigne : « DAMESTOY Chocolat de Bayonne ».
Les débouchés sont assurés. La fabrication de chocolat et confiserie se poursuit à Bayonne.
Jacques est secondé par son fils Louis Martin.
Grâce à eux, la formation d’ouvriers très qualifiés a permis le plein développement et le rayonnement des produits et de spécialités Maison.
La réussite de cette entreprise, Jacques DAMESTOY la doit à sa connaissance du métier, et à sa vigilance sur la qualité des produits qui étaient toujours d’une fraîcheur rigoureuse.
D’esprit très inventif, Jacques DAMESTOY sort de ses ateliers des assemblages nouveaux. Il invente, compose de nouvelles combinaisons de chocolat et confiserie.
Il aime à leur donner des noms à consonances basques, ainsi que les noms de revues théâtrales qui réjouissaient la vie Bayonnaise dans l’entre deux-guerres (Pottana, Malaille...)
Parmi les réussites en chocolaterie confiserie, il faut mentionner tout particulièrement le KANOUGA dont l’histoire vaut d’être contée.
Après de nombreux essais, en partant du chocolat, Jacques a mis au point un caramel tendre, onctueux au possible. Cette recette du KANOUGA restera en partie secrète car sa réussite dépend entièrement du tour de main très particulier du maître chocolatier . Trouver un nom n’est pas chose aisée, et la légende familiale dit que c’est en posant un doigt inquisiteur sur une mappemonde qu’il serait tombé sur KALOUGA, ville de RUSSIE.
Le nom ne lui plait qu’à demi, mais lui évoque le nougat, confiserie qui lui est chère. Il marie les deux termes en un mot : son caramel tendre s’appellera :
« KANOUGA »
Les descendants de Jacques DAMESTOY soupçonnent leur grand-père d’avoir été influencé par la présence des Grands Ducs Russes qui défrayaient à l’époque la rubrique mondaine de BIARRITZ.
Ses petits enfants, quoique n’étant pas chocolatiers confiseurs, ont reçu en cadeau de leur grand-père la recette du KANOUGA, car ils se souviennent encore des paroles prononcées par l’ancêtre d’une manière solennelle : « Si un jour vous êtes dans le besoin, vous fabriquerez et vendrez des KANOUGA ».
Merci grand-Père car si aux descendants non-chocolatiers tu as donné une preuve d’amour, tu as fait aussi la grande réussite de ton petit fils Robert PARIES et de sa famille.
Jusqu’en 1939, l’entreprise tourne à plein régime, employant des ouvriers permanents et des renforts saisonniers. La guerre de 1939-45 stoppe net cette belle réalisation car les ouvriers sont mobilisés. Jacques Damestoy, âgé de 74 ans, n’a plus assez d’énergie ; son fils Louis Martin, frappé par la polio, ne peut lui non plus continuer les activités de chocolatier. Donc, l’usine des Arènes cesse ses activités à la déclaration de guerre en 1939.
Les petits fils se sont tournés vers d’autres professions, au grand regret de certains d’entre eux qui auraient aimé pouvoir embrasser le métier de leur grand-père...
Parmi les descendants, seul son petit-fils Robert Pariès a continué la fabrication de certaines spécialités qui ont fait le renom de Jacques Damestoy et perpétuent ainsi son souvenir.
Aujourd’hui, c’est Françoise, son arrière petite-fille, fille de Robert, et son mari Alain qui ont repris le flambeau et qui incarnent la quatrième génération issue de Jacques Damestoy digne maillon de la grande lignée des Maîtres Chocolatiers de Bayonne et du Pays Basque, pendant 60 ans.
Le KANOUGA va bientôt fêter ses 100 ans
100 ans après sa création par Jacques Damestoy, le KANOUGA continue d’émerveiller les gourmets. Il a récemment été qualifié du titre « du meilleur caramel du monde » dans un article de la presse New-Yorkaise, et la presse Moscovite elle-même a publié l’anecdote de la mappemonde à l’origine du nom.